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40 jours en avril
30 novembre 2017

40 JOURS EN AVRIL (1)

Jeudi 27 mars 2014, jour J, heure H

 

Le compte à rebours s’est achevé. Près de deux ans jour pour jour après le diagnostic de la maladie, une équipe médicale se préparait à m’offrir mon unique chance de survivre. Ma belle-sœur, Annie, était arrivée deux jours plus tôt à Chambéry. Histoire que ma femme ne se retrouve pas seule. Sa présence nous évitait aussi de prendre le taxi ce jour-là.

Ce matin-là, j’ai vécu un très mauvais réveil. Dès que j’ai ouvert l’œil, après un coucher très tardif et une nuit plutôt agitée, j’ai su que la date fatidique, espérée mais redoutée, était arrivée. À peine levé, le déroulé des évènements qui ont suivi s’est transformé en une sorte de mauvais film dont je me suis encore senti plus spectateur qu’acteur (ce ne sera ni la première ni la dernière fois, tant on est emporté par une tempête quand on vit de tels moments). Avant de monter en voiture, j’ai jeté un dernier coup d’œil vers mon jardin, ma maison. Comme un adieu. J’avais le sentiment de vivre un évènement très important, trop pour que j’en saisisse l’essence exacte. Rue après rue, nous nous sommes éloignés. Pour quitter Chambéry et nous engouffrer sur l’autoroute. Impossible de faire demi-tour, mon avenir se jouait cent dix kilomètres plus loin.

 

Le premier rendez-vous de la journée était fixé à midi, à l’hôpital Mermoz. J’avais obtenu auprès de mon taxi des indications précises pour nous y retrouver dans Lyon. Après un passage rapide au bureau des entrées, je me suis retrouvé dans une salle de radiologie, allongé sur le flanc droit, le regard fixé sur un grand poster touristique vantant des rivages paradisiaques. Le radiologue et son équipe m’ont tout de suite mis à l’aise, détendant l’atmosphère grâce à leurs traits d’humour et boutades. L’intervention n’a pas posé de problème particulier, aucune douleur, juste le temps qui semblait passer à deux à l’heure. Après un délai d’observation et une vérification minutieuse des coutures, on nous a laissé partir.

C’était prévisible, nous avons fait un grand détour touristique au gré d’un embrouillamini de rues, avenues et boulevards avant de nous retrouver devant le vaste hôpital de Pierre-Bénite. Après quelques minutes passées à chercher une place, la voiture garée, nous avons pique-niqué sur le pouce. Je n’en menais pas large. Un moment grave. L’heure tournait soudain plus vite. A 15h15, direction les salles de radiologie. J’avais eu le nez creux en conservant la convocation à portée de main. Lors du bilan pré-greffe, nous nous étions rendus dans une structure, à un jet de passerelle du service hématologie. Manque de chance, ce n’était pas là que j’étais attendu. Un peu désemparés, nous avons questionné une infirmière. « C’est à l’entrée de l’hôpital, tout en bas. Il vous faut reprendre la voiture. » Comme nous étions en avance, nous lui avons demandé le chemin à suivre pour nous y rendre à pied. « Venez avec moi, je vous montre. » Une bonne demi-heure plus tard, nous trouvions enfin le service. En travaux de maintenance ! Le scanner était installé dans une énorme semi-remorque, la salle d’attente se trouvait au sous-sol. Et il nous a fallu encore beaucoup de temps pour remonter péniblement vers notre destination finale, tant le centre hospitalier Lyon-sud est étendu.

 

Vers 16 h, tandis que j’attendais au bureau des admissions, le souffle court, Jacqueline et Annie récupéraient mon gros sac d’affaires dans la voiture et me rejoignaient. Après quelques instants de répit dans le hall d’accueil, papiers en poche, il a fallu se décider. A contrecœur. Trois étages plus haut, au sortir de l’ascenseur, nous nous sommes retrouvés face à un grand couloir vide. Un panneau sur une porte indiquait MBE4, mon unité. On a sonné : personne. Ça commençait bien. Déjà que j’avais l’impression d’avancer à reculons. Quelques minutes ont passé, nous avons entendu des bruits de pas, des voix. Derrière nous, deux « blouses blanches » se dirigeaient vers le service. « Il fallait passer par l’accès des visiteurs ! » Elles nous ont guidés vers un vestiaire. Là, j’ai laissé ma casquette, mon blouson, mes papiers à Jacqueline puis une infirmière m’a demandé de la suivre. Pendant ce temps, une autre se chargeait de mon baluchon tandis que mes accompagnatrices découvraient la tenue obligatoire pour les familles. Des sur-chaussures, une charlotte, une sorte de chemise et un pantalon jetables – le pyjama – et l’indispensable masque. A ce moment-là, personne n’a pensé à nous dire de nous faire un dernier bisou. Après, c’était trop tard. Regrets…

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  • Quand la maladie s'installe, une bataille implacable commence. Cinq années après le diagnostic, j'ai décidé de raconter mon combat. J'émets le vœu que ce témoignage aide des patients en attente de greffe de moelle osseuse.
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