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40 jours en avril
7 décembre 2017

40 JOURS EN AVRIL (2)

J’entre dans ma bulle

 

Un grand couloir, des murs aux couleurs reposantes… Une porte imposante, marquée du numéro 310, et une première pièce assez exigüe, le sas. À droite, des étagères où étaient disposés des médicaments, des fournitures médicales diverses et variées. Une tringle supporte des blouses et quelques cintres. En face, un lavabo, une glace, un grand distributeur de savon liquide. C’est assez sombre, un peu stressant. L’infirmière, masquée, me demande de me déshabiller. Me voilà en slip. Elle place mes vêtements dans un sac plastique, ma femme les récupèrera.

Elle actionne la poignée de la seconde porte, équipée d’un hublot, tapissée de tableaux que les personnels soignants renseigneront quotidiennement. Un chuintement, comme un pneu qui se dégonfle, dû à la différence de pression. Je franchis le seuil de mon nouveau chez-moi. Pas le temps de m’attacher aux détails. Elle me tend un haut et un bas, comme une tenue de chirurgien. En ouvrant la porte de la petite salle de bains, elle me confie un flacon : « Vous allez prendre une douche en utilisant la Bétadine. Faites attention à ne pas mouiller le pansement de votre groshong. Laissez votre slip sur le sol. » Le tuyau de la douche se trouve à même le mur, l’évacuation des eaux usées directement sur le carrelage. Je dispose aussi d’un grand lavabo entouré d’un vaste espace de rangement, surmonté d’un miroir assez imposant ; des toilettes très basses, un urinal et un fauteuil « waterproof » complètent l’aménagement. Je découvre à ce moment-là les serviettes minuscules et les fameux gants de toilette jetables – on dirait du papier. Une fois désinfecté, sec et accoutré de ma tenue, je pousse la porte qui mène à la chambre.

Jacqueline, Annie, deux infirmières et une aide-soignante m’attendent. Un vrai bal masqué.

Je m’installe sur mon lit. Mes yeux parcourent ce lieu étranger qu’il faudra que je m’approprie rapidement. Voici  un billet de mon blog (dont je te causerai plus loin) décrivant cet endroit : « Je dispose d'une chambre spacieuse, très lumineuse grâce à une large baie vitrée. Couleur mauve, c'est reposant. Le lit est confortable, pratique aussi, avec sa télécommande et tous ses réglages. À gauche du lit, un fauteuil très confortable dans lequel je me prélasse à longueur de journée... En face, un petit bureau, le vélo d'appartement, une autre commode, la chaise des visiteurs. A droite du lit, une grande table de nuit équipée d’un tiroir et de deux étagères, l’arbre de Noël avec les poches connectées à des pompes. »

Épouse et belle-sœur doivent à présent se tenir dans un coin de la chambre, au niveau de la chaise-visiteur qui délimite la zone hors-risque. J’ai droit à un questionnaire fouillé puis on m’explique les règles de vie que je devrai suivre impérativement. Autant de protocoles destinés à me mettre à l’abri de toute contamination. Exemple : « interdiction de ramasser quoi que ce soit qui serait tombé à terre. Demander au personnel soignant. » L’heure tournant, il faut que Jacqueline et Annie partent. Pas facile de se dire au-revoir… à distance. Ce sera la règle durant les semaines à venir. Le sas se referme sur elles, je ressens alors un énorme pincement au cœur et beaucoup de désarroi. Les portes du MBE4 qui permettent à mes accompagnatrices de quitter le service se referment sur moi. Je ne suis pas près de les franchir à nouveau.

Alors qu’une infirmière me branche au six-mètres, ce fameux cordon qui me reliera aux poches de produits 24 h sur 24 durant tout mon séjour, une aide-soignante apporte mes objets personnels, désinfectés. Mon téléphone portable, ma liseuse électronique, quelques recueils de mots croisés, mes affaires de toilette ainsi que les produits recommandés, mon rasoir, etc. On m’informe que les crayons que nous avions achetés ne peuvent entre dans la chambre : en effet, le bois est interdit, il est fibreux. Je prends mon premier repas. Les assiettes sont emballées dans du papier alu, j’ai une impressionnante collection de cachets à avaler, principalement des gélules et je dispose d’une petite bouteille d’eau minérale de Volvic, une marque agréée par l’équipe d’hématologie. Avec interdiction formelle de boire directement au goulot.

 

Quarante jours, la relation

 

Pour brosser en quelques paragraphes l’aventure de la greffe qui allait durer quarante jours et nuits, j’ai pensé qu’il serait intéressant d’utiliser des extraits tirés d’un carnet à spirale, intitulé « Quarante jours », et que j’ai renseigné tout au long de mon hospitalisation, ainsi que d’autres extraits parus sur le blog du docteur Globule, un blog dans lequel je donnais des nouvelles quotidiennes – ou presque – à ma famille, mes proches, mes amis. Une association organisait un prêt d’ordinateurs portables mis gratuitement à la disposition des patients.

 

Un billet, intitulé « Journée flagada dans les fraises » figure à la date du 1er avril dans mon blog, entre humour et lassitude :

« Hier, tout un poème : une fatigue de derrière les fagots s'est abattu sur moi à l'improviste... Rien d'étonnant d'après les Gentils Organisateurs de ma greffe. Taux d'hémoglobine au plus bas et début d'aplasie (pratiquement plus de globules blancs), sans compter les allers-retours nocturnes aux toilettes histoire d'éliminer les litres de liquide qu'on me perfuse 24 h sur 24.

Aujourd'hui, ça va mieux, la transfusion d'hémoglobine d'hier soir a fait son effet et m'a bien requinqué. Bonne sieste cet après-midi, je suis au repos ; la première phase de chimio est terminée depuis ce matin.

Je me demandais si j'allais te laisser un petit poisson d'avril aujourd'hui, mais j'ai renoncé, ç'aurait été un poisson stérilisé, irradié... J'avais pensé à un truc du genre : "Erreur médicale à Lyon : il vient pour de la moelle osseuse et repart avec un cerveau d'électeur du front national !" Remarque, c'est d'actualité, non ?

Bien, c'est l'heure pour moi de continuer à ne rien faire - passionnant, non ? »

 

Un autre extrait du même blog mérite sa place à cet instant de ma relation, une description du personnel soignant dévoué qui a très activement participé à la réussite de ma greffe :

« Près d'une semaine que je suis là, il serait grand temps que je te cause du personnel soignant qui s'occupe de mon cas.

En haut de la pyramide, le docteur Thomas, hématologue, l'un des rares à cumuler ses fonctions et la recherche. Tout le monde ici en parle avec une nette admiration dans la voix. Il passe me voir de temps en temps, et, comme ses internes, prend le temps de se poser, de m'écouter, de m'expliquer... De plus, il a beaucoup d'humour, donc je l'apprécie doublement.

Les infirmières sont vraiment adorables. Très attentionnées, elles prennent elles aussi le temps de l'écoute. Bon, moi qui n'ai pas l'habitude de parler de ma santé, ça me fait tout drôle, je découvre.

Les aides-soignantes sont encore plus présentes puisqu'elles m'accompagnent dans beaucoup de moments de ma vie hospitalière. Elles ont toujours le mot pour rire et je ne suis pas en manque pour leur répondre du tac au tac - on ne me changera pas !

J'ai même droit à une diététicienne qui vient me causer menus, qualité de la bouffe, sur-cuisson et tout le tutti. J'écoute pour l'instant d'une oreille distraite, tout en sachant que ces conseils seront essentiels dans quelques semaines, dès qu'il me faudra retourner à la maison.

Tout ce joyeux personnel se présente chaque matin, ou chaque soir pour celles qui font la nuit... Autant de prénoms que je ne cesse d'oublier... Je reconnais à présent certaines voix, certaines silhouettes. D'autant qu'entre la charlotte et le masque, ça ne laisse même pas le bout du nez comme repère...

Tout ce petit monde qui représente à présent pour moi une famille, je ne puis m'empêcher d'apprécier son professionnalisme, sa gentillesse, son humanité sincère. Je leur tire mon chapeau, tout en leur exprimant mon profond RESPECT ! »

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Commentaires
40 jours en avril
  • Quand la maladie s'installe, une bataille implacable commence. Cinq années après le diagnostic, j'ai décidé de raconter mon combat. J'émets le vœu que ce témoignage aide des patients en attente de greffe de moelle osseuse.
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