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40 jours en avril
21 décembre 2017

40 JOURS EN AVRIL (4)

Le jour Zéro

 

Jeudi 10 avril 2014, jour J, appelé jour zéro par les hématologues car ils démarrent leur calendrier post-greffe à partir de cet évènement. La journée la plus importante de mon existence. Voici ce que j’ai écrit sur la page de mon blog, un billet intitulé « Mon jour Zéro », un jour long, très long :

 

« Au réveil déjà, il a fallu mettre le turbo : transfusion de plaquettes. Puis l'interne est venue jeter un œil à mon Groshong - ma voie centrale. Pas brillant, malgré les points qu'elle avait posés hier. L'infirmière m'avait installé une perfusion dans le poignet droit, histoire d'être tranquille avec les voies entrante et sortante.

Annonce : on viendra m'installer une nouvelle voie centrale, à droite, histoire d'abandonner celle de gauche. En attendant que l'interne soit prête, légère tension. Tant d'agitation me fait oublier qu'aujourd'hui, il y a greffe chambre 310 !

L'interne arrive une petite heure plus tard, on installe ma chambre selon ses volontés, hauteur du lit, des tablettes, orientation des stores, allumage des lampes. Et tout cela dans la bonne humeur !!! Une fois le champ opératoire adapté au-dessus de ma tête, j'ai une vue direct sur le scope dans lequel je vois les veines, l'aiguille et tout le tutti. C'est du grand travail de pro, aucune douleur, de jolis points de croix, m’a dit l'infirmière, sur une "peau très épaisse". Un peu plus tard, deux radiologues itinérants tirent un cliché de l'assemblage et donnent leur feu vert pour la greffe.

Le greffon atterrit vers 14H30 à l'aéroport Saint-Exupéry de Lyon, en provenance d'Allemagne où il a été prélevé à mon jeune donneur de 36 ans.

Tout en attendant que le "colis" nous parvienne, l'infirmière refait le pansement au cou, puis retire le Groshong : "Gonflez les poumons, bloquez !" et hop ! Elle tient le tube dans sa main. Ensuite, durant de longues minutes, point de compression sur ma clavicule, douloureux mais indispensable pour éviter tout écoulement sanguin.

Il est 16h30 - 17h quand le chariot contenant la fameuse poche entre dans ma chambre. Une énorme poche pleine de bonnes cellules-souche teutonnes. Pour toute la durée de la transfusion, je devrai rester sur le lit car le greffon ne passe pas par mon "six-mètres". On branche et le silence tombe dans ma chambre, conformément à mes volontés.

Ce que je ressens à présent, aucun mot ne saurait le décrire, et je ne cherche même pas à rédiger quoi que ce soit, de peur de dénaturer mes émotions. Plusieurs heures gorge nouée, incapable de parler, voilà la seule et unique info que je puis te donner. Le reste est trop... intime.

Aux deux-tiers de la greffe, l'ambiance change, ma copine la fièvre est de retour. Je ne tarde pas à monter au-dessus de 40° ! On s'occupe de moi, on me couvre... Quelque part, c'est le cadet de mes soucis. Et quand l'infirmière débranche la poche désormais vide, je n'ai qu'un mot en tête : "MERCI !" Je sais que rien n'est gagné, que le combat continue, mais ce sourire, sur mon visage, personne ne peut l'effacer alors.

 

En fin de soirée, la fièvre est tombée, il a fallu changer draps et vêtements trempés. L'infirmière a débranché ma perfusion du bras droit à présent inutile puis réalise une prise de sang sur ce même bras en vue d'effectuer une hémoculture, passage obligé en cas de fièvre. Je sombre alors dans un sommeil lourd, profond et réparateur.

 

Ainsi s’est déroulé le Jour Zéro, mon Jour Zéro... »

 

 

Pourvu qu’elle prenne !

 

Durant la période qui a immédiatement suivi cet événement, la tension est montée d’un cran. L’enjeu était énorme : la greffe allait-elle prendre ?

 

J’étais en état d’aplasie totale, plus de défenses immunitaires et l’usine à globules et plaquettes en panne sèche. Si les cellules-souches de mon donneur ne daignaient pas se fixer dans ma moelle et se mettre fissa au travail, j’étais fichu. Les transfusions se succédaient, hémoglobine et plaquettes pour compenser le manque. De nouveaux produits ont pointé le nez dans mon traitement : les immunosuppresseurs, destinés à éviter un rejet, peu probable, mais surtout pour calmer les ardeurs de ma nouvelle immunité quand elle apparaîtrait. Dans une greffe de moelle osseuse, il n’y a généralement pas de phénomène de rejet. Par contre, une réaction très redoutable peut se produire : le greffon peut s’attaquer au receveur – on appelle cela une GvH, Greffon versus Humain. Il peut alors s’en prendre à la peau, au système digestif, respiratoire, etc.

 

Onze jours après la greffe, une infirmière m’a annoncé la très bonne nouvelle : ma moelle fonctionnait à nouveau, mes globules blancs étaient supérieurs à 170, sachant que la sortie d’aplasie serait prononcée avec un taux supérieur à 500 et un taux de neutrophiles supérieur à 1 000. Ça me laissait largement le temps d’attendre, d’attendre.

 

Cette période a surtout été marquée par des soucis de température et de tension. Le 24 avril, il a fallu procéder à un scanner pour rechercher une éventuelle infection. Ce fut ma seule et unique sortie de la chambre. Quel protocole ! Passer la première porte puis, dans le sas, enfiler un sarrau sur mon sarrau (afin d’éviter une nouvelle douche « bétadinée » en profondeur au retour), la charlotte, les sur-chaussures, et le summum, le masque canard, une abomination qui filtre tant et si bien l’air que j’avais un mal fou à respirer. Pour le transport, l’infirmière m’a véhiculé en fauteuil roulant. Le résultat des courses ne s’est pas fait attendre : poumons nickel mais grosse sinusite. Les antibiotiques ont eu tôt fait de mettre à mal l’infection sournoise.

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  • Quand la maladie s'installe, une bataille implacable commence. Cinq années après le diagnostic, j'ai décidé de raconter mon combat. J'émets le vœu que ce témoignage aide des patients en attente de greffe de moelle osseuse.
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