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40 jours en avril
14 décembre 2017

40 JOURS EN AVRIL (3)

Manger, ça paraît facile, et pourtant…

 

La nourriture a été certainement un des aspects essentiels de cette période. J’avais un solide appétit lors de la première semaine mais rapidement, à cause de l’action très agressive des chimiothérapies, j’ai commencé à ne plus pouvoir me nourrir suffisamment. Après le jour de la greffe, le protocole de soins prévoyait l’installation d’une sonde nasogastrique qui permettait de « passer » une poche de nourriture liquide chaque nuit, entre 20 h et 8 h du matin. Extrait du blog concernant les repas :

 

« Eh oui, je suis sous régime protégé question nourriture. Ce qui veut dire, pour faire simple, que le maximum est fait pour éviter que de microscopiques cochoncetés passent dans mon tube digestif quand je mange.

Le matin, j'ai droit à un "bon" café au lait composé d'un bol de lait un peu bizarre en goût auquel j'ajoute un sachet de café en poudre - et pas du meilleur, je te garantis. Remarque, si tu survis à ça, tu peux aller à la greffe sans crainte, ce doit être un test de résistance... Par contre, ce qu'ils appellent pain de mie - une sorte de pain au lait très léger - passe très bien avec une portion de confiture - pas de beurre, je me suis rapidement lassé de la margarine. Pour terminer, une boisson 100 % orange en briquette... Là, faut un certain tour de main pour éviter le geyser!

Les repas du midi et du soir te sont présentés par une aide-soignante, la veille, et non pas par une vieille aide-soignante. Tu peux modifier une viande, un accompagnement, un dessert à ta guise. Les plats sont présentés dans des barquettes en alu entourées d'une grande feuille de papier du même nom. Les viandes, trop cuites, sont accompagnées de sauces abondantes. Les légumes sont bien cuits... et recuits. Les fromages sont du type "vache qui se marre en voyant ma tête quand je découvre le plateau" et les desserts particulièrement variés. »

 

Une spécialiste aura marqué de sa présence cette longue période de perte de poids : la diététicienne. Elle m’a beaucoup questionné lors de ses premières visites, sur mes habitudes et mes préférences alimentaires puis elle m’a parlé des types de menus qui me seraient proposés lors de mon passage en chambre stérile, des modes de cuisson. Le fonctionnement du service permettait au patient de choisir, pour le lendemain, ce qu’il désirait manger – ou ce qu’il ne voulait surtout pas voir sur son plateau-repas. Une aide-soignante passait quotidiennement et notait mes maigres désidératas. Un système bien huilé jusqu’à ce que mon appétit s’inscrive aux abonnés absents. Après une prise de poids – d’eau, plus exactement – de 4 kg, la courbe s’est inversé vertigineusement. Et là, la diététicienne est devenue la personne que je ne voulais plus voir. J’avais l’impression qu’elle me harcelait. « Si vous ne mangez pas ci, mangez plutôt ça » me conseillait-elle alors que la simple idée de prendre un repas me révulsait. Lors d’un moment d’échange avec le docteur Thomas, je lui ai indiqué que j’avais du mal à supporter toutes ces visites. Il m’a répondu que je devais faire comme je le sentais, manger quand j’avais faim et surtout, ne pas hésiter à demander des biscuits à n’importe quel moment de la journée.

Il est certain que la diététicienne faisait son travail, et le faisait assurément bien. J’imagine qu’elle était très ennuyée de me voir perdre quotidiennement autant de poids. Elle devait donc concevoir des stratégies pour infléchir la courbe descendante. Hélas, manger m’était devenu si pénible que je l’ai bien involontairement prise en grippe. Je l’ai retrouvée quelques temps plus tard, au mois de juillet, lors de mes hospitalisations de jour alors que la balance affichait un désastreux « moins 20 kg » et j’ai recommencé à la détester ! Mes rapports avec tout ce qui touchait de près ou de loin l’alimentation tournaient au vinaigre… pendant et après la greffe.

 

Les chimiothérapies se sont succédé du 28 mars au 9 avril.

 

La première série se déroulait en cycles d’une poche passant en une demi-heure, puis une deuxième en une heure et enfin une dernière en deux heures, et ce pendant trois jours. Puis j’ai eu droit à trois jours de répit avant la deuxième série. Là, c’est une poche unique d’une durée de trois heures, un produit très agressif et très toxique pour les reins, ce qui justifiait une perfusion de protection. Le lendemain et le surlendemain, on m’a donné du valium, car le second produit de cette série, en poches de deux heures toutes les six heures, avait tendance à provoquer des convulsions.

 

Bien sûr, ils me gardaient le meilleur pour la fin, la fameuse SAT, la plus agressive des chimios. Trois jours durant lesquels j’étais branché en continu, de 10 h 30 à 23 h. Progressivement, en fonction de mes constantes – j’étais constamment branché à un tensiomètre, le débit était accéléré de 1 à 10. J’ai eu droit à des antihistaminiques pour supporter cette ultime phase. C’est là que la fièvre a commencé à apparaître et que ma tension a atteint des sommets. Durant cette période, tous les deux à trois jours, j’étais transfusé – hémoglobine et plaquettes.  Le 8 avril, une infirmière m’annonçait solennellement que je me trouvais en aplasie totale : ma moelle osseuse ne fonctionnait officiellement plus.

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  • Quand la maladie s'installe, une bataille implacable commence. Cinq années après le diagnostic, j'ai décidé de raconter mon combat. J'émets le vœu que ce témoignage aide des patients en attente de greffe de moelle osseuse.
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