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40 jours en avril
12 avril 2018

DEMAIN EXISTE, JE L'AI RENCONTRE (5)

De retour au 3ème étage

 

À l’occasion de ma troisième DLI, c’était à la mi-octobre, compte-tenu qu’entre 10 h du matin et 16 h l’après-midi je n’avais pas grand-chose à faire, j’ai décidé de rendre visite au MBE4, d’autant que la perfusion fixée à mon bras n’était pas reliée à une poche, ce qui libérait mes déplacements.

J’avais fait une tentative au mois d’août, à l’occasion de la première injection, mais je m’étais trouvé face à une porte close : congé annuel du service.

Après le pique-nique (je ne suis jamais parvenu à reprendre un plateau-repas lors de mes hospitalisations de jour), j’ai pris mon gros sac, j’ai averti l’infirmière que je montais au troisième étage et je me suis dirigé vers cet univers fermé que j’avais squatté durant quarante jours. Non sans une énorme appréhension et un malaise terrible.

Depuis six mois, je me disais : « Allez, secoue-toi, courage, tu dois passer les voir ! » Mais un frisson me parcourait aussitôt. Peur panique de me retrouver enfermé là-haut. Peur de revivre les moments éprouvants.

Dans le vestiaire des visiteurs du MBE4, je m’évertuais à m’équiper correctement. Une aide-soignante, passant par-là, se tordit de rire : « Vous avez mis deux charlottes sur vos chaussures ! » Elle m’a aidé à me vêtir et je suis entré.

À ma grande surprise, j’ai retrouvé toute l’équipe de mes anges-gardiens attablée dans la salle de repos. Moment d’intense émotion, je les reconnaissais toutes. Je leur ai offert une grosse boîte de chocolats – je me souvenais qu’elles étaient toutes gourmandes – ainsi que des paquets de bon café. On a bavardé de tout, du service, de mon retour à la maison, du moral, de la greffe, de mes souvenirs, des leurs, puis je leur ai confié les boîtes de médicaments à présent inutiles pour moi.

 

Avant que je rejoigne le premier étage, l’une d’entre elles m’a dit : « Ça nous touche beaucoup que vous soyez passé : beaucoup de patients nous promettent de revenir, très peu le font réellement. » Je les comprends.

 

Libre mais surveillé

 

Cette première année post-greffe est passée sans trop de contrariétés. En janvier 2015, j’ai entamé ma campagne de vaccination, comme n’importe quel nouveau-né (durant la chimiothérapie de conditionnement, mes anticorps avaient subi le même sort que ma moelle). Deux vaccins en trois injections chacun, distantes d’un mois. Pneumocoque d’un côté, diphtérie, tétanos, polio, coqueluche et haemophilius de l’autre.

Une pénurie de production m’a causé quelques sueurs froides pour le second vaccin, dernier rappel administré à la mi-juin au lieu de mars. Un an plus tard, je me suis encore débattu avec le Pneumo 23 qui manquait lui aussi en officine.

Les principaux antibiotiques sont sortis de mon ordonnance, ainsi que le fameux Noxafil, ce sirop si coûteux.

 

Mon ami anonyme

 

On me l’avait dit lors de mon passage en chambre stérile : c’est possible d’adresser un courrier à mon donneur. J’ai pensé lui écrire dès mon retour à la maison puis j’ai changé d’avis. Trop tôt. Je me suis dit qu’il serait plus utile de lui donner de bonnes nouvelles de mon état de santé, histoire de lui montrer l’importance de son geste. Un mois après la greffe, je n’étais pas suffisamment remis. Un gros risque continuait de planer sur moi. Alors j’ai décidé de laisser s’écouler une année complète. Entre temps, je m’en suis tenu à griffonner quelques bouts de phrases, à jeter des idées sur une feuille de papier.

Le principe de cette correspondance est simple : je rédige un courrier d’une manière anonyme, sans la moindre indication sur mon identité et sans la moindre précision sur mon lieu de domicile. J’écris en français. Dès que je décide que la lettre doit partir, je la donne à mon hématologue qui la fait passer à l’agence de Biomédecine. Cet organisme va se charger de la traduire dans la langue du donneur, l’épurant s’il le faut des données contraires au principe d’anonymat. Le courrier original et sa traduction seront alors transmis au donneur.

Le 8 avril 2015, profitant d’une consultation à Lyon, j’ai remis ma lettre au docteur Labussière-Wallet. Datée du 7 avril. À trois jours du premier anniversaire de ma greffe.  J’ai finalement déchiré tous les brouillons que j’avais rédigés puis j’ai écrit d’un trait. En voici quelques lignes : le reste de cette missive, c’est entre mon donneur et moi.

 

« Votre geste plein d’altruisme, je l’ai reçu comme le plus merveilleux des cadeaux. Un cadeau unique, la vie : grâce à vous, le mot « demain » a pris un nouveau sens, pour moi, pour ma famille, pour mes proches, pour mes amis. »

« Le 10 avril sera une belle journée, un anniversaire extraordinaire. »

« Nous ne nous connaissons pas, nous ne nous connaîtrons jamais et pourtant un lien nous relie, un lien fort, un lien solide, grâce à votre don. »

« Prenez bien soin de vous, vous comptez tant pour moi, pour nous. »

 

Les jours ont passé, les mois… Le 12 février 2016, un courrier de l’hôpital de Lyon est arrivé dans ma boîte. Tamponné « Urgent ». Ayant fait un bilan quelques semaines plus tôt, j’ai tressailli : y aurait-il quelque complication dans l’air ? Nouvelle convocation ? J’ai ouvert l’enveloppe et j’ai trouvé deux feuillets. L’un en français, l’autre en allemand. Une lettre de mon donneur ! Quel choc ! Mon cœur s’est mis à battre la chamade. Je la découvre, au comble de l’émotion.

 

En voici quelques bribes :

 

« Bonjour mon cher ami français. »

« Je pense à vous très souvent, presque tous les jours, même si je ne vous ai pas répondu immédiatement. »

« Vous aider était une évidence, ce n’était qu’un petit geste pour moi et je n’ai même pas souffert. »

« Cependant, de mon point de vue, ce n’est pas moi qui vous ai aidé mais vous qui m’avez aidé. Vous m’avez ouvert les yeux, vous m’avez fait changer. […] J’ai changé et j’ai mis de l’ordre dans ma vie. »

« Je trouve cela dommage que nous ne puissions pas nous remercier de vive voix. »

« Amitiés d’Allemagne. »

Quand mon épouse et mes enfants ont lu ce courrier, ils ont eu la même réaction : « On dirait que c’est toi qui écris. Comme il te ressemble… »

Décidément, le hasard fait bien les choses.

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Commentaires
40 jours en avril
  • Quand la maladie s'installe, une bataille implacable commence. Cinq années après le diagnostic, j'ai décidé de raconter mon combat. J'émets le vœu que ce témoignage aide des patients en attente de greffe de moelle osseuse.
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